Le Compendium
      Albert Balasse

Lorgnette et jumelles de spectacle

Il s'agit de deux modèles de la lunette de Galilée, l'un simple, la lorgnette, l'autre constitué par deux éléments montés parallèllement, les jumelles. Leurs dimensions réduites permettent de les transporter dans la poche ou un sac pour, au théâtre et à l'Opéra, observer ou suivre de plus près les artistes sur la scène. La mise au point est réalisée par tirage et le grossissement est de l'ordre de deux à trois fois.

La lorgnette

Lorgnette de théâtre - Longueur repliée, 5,5 cm et déployée, 10,5 cm

Le dessin qui suit est emprunté au COURS DE PHYSIQUE "à l'usage des gens du monde, des candidats au baccalauréat ès lettres,(...), des pensions de demoiselles, etc," par A. GANOT, dans son édition de 1863. Il renseigne sur la marche des rayons dans la lunette de Galilée, formée par deux lentilles, l'une O biconvexe et la seconde o, à travers laquelle l'œil observe, biconcave.

L'objet qu'on observe étant AB, les rayons partis de l'un quelconque de ses points, de A par exemple, tendent à aller former l'image de ce point au delà de l'objectif O. Mais, rencontrant la lentille biconcave o, ces rayons deviennent divergents, et pour l'œil qui les reçoit, ils paraissent partir du point a : c'est donc là qu'apparaît l'image du point A. De même l'image de B va se former en b ; d'où résulte une image virtuelle ab, redressée et très rapprochée.

PRÉCIS DE PHYSIQUE par É. FERNET - Paris, 1870

Les jumelles

Nous reprennons les termes de Fulgence Marion (pseudonyme de Nicolas Camille Flammarion) pour la description de la lunette de Galilée dans l'édition de 1874 de son ouvrage L'OPTIQUE : "En 1671, un bon père capucin, dont le nom de Chérubin ne laisse pas d'être fort gracieux, associa deux de ces lunettes et forma la jumelle, dont l'usage quelque peu mondain sur nos théatres, était sans doute loin du but de l'inventeur (...)"

Auteur, en 1677, de LA VISION PARFAITE OU LE CONCOURS DES DEUX AXES DE LA VISION EN UN SEUL POINT DE L'OBJET, le Père Chérubin d'Orléans , religieux capucin, a laissé des traces importantes dans le domaine de la physique en préconisant la vision binoculaire pour les instruments d'optique. Il est à l'origine du microscope binoculaire.

Sur la figure, à gauche, les extrémités extérieures des deux tubes BB' sont réunies par une traverse que porte une tige DD', logée dans l'intérieur du tube CC' ; ce tube, lié à la traverse inférieure, tourne autour de son axe ; il est creusé à l'intérieur d'un pas de vis qui reçoit un filet taillé sur la tige DD', de telle sorte qu'en tournant le tube, on fait monter ou descendre cette tige, et par conséquent on éloigne ou on rapproche les oculaires des objectifs pour obtenir une image nette.

COURS de PHYSIQUE de la classe de mathématiques élémentaires par B. Boutet de Monvel - 1865

C'est l'utilisation mondaine qui, vraisemblablement, explique, qu'à la fin du XIXe siècle, les matières utilisées dans la construction des lorgnettes et des jumelles étaient l'ivoire, la nacre, le cuir, le cuivre et le métal argenté...

Woman with Opera Glasses - vers 1898
(Document Internet)

Voir par le petit bout de la lorgnette...

On remarque plus haut, sur le premier dessin tiré de l'ouvrage de Ganot, que les rayons issus de la lorgnette et pénètrant dans l'œil de l'observateur sont très divergents. Par suite, le champ de vision est particulièrement faible. C'est de cette caractéristique que vient l'expression "voir par le petit bout de la lorgnette". Que l'observation s'effectue de ce côté là est bien normal mais, ce faisant, on ne voit qu'une petite partie de la scène telle qu'elle se passe réellement. La vision est étriquée : on ne tient pas compte de l'ensemble des éléments formant un tout, par exemple, un "problème" qui ne relève pas nécessairement de l'optique...

Jumelle ou jumelles ?

Si la LORGNETTE figure au Dictionnaire de l'Académie française de l'an VI de le République (1798) avec le sens que nous lui donnons - "Sorte de petite lunette dont on se sert pour voir les objets peu éloignés. Lorgnette d'Opéra" - l'adjectif ou le substantif (JUMEAU) JUMELLE, au singulier et au pluriel, possède plusieurs sens mais il n'est pas mentionné en tant que terme d'optique.

Dans les traités de physique anciens, on rencontre les deux versions "jumelle" avec ou sans "s" pour nommer l'association de deux lorgnettes. Il est d'ailleurs amusant de voir, chez un même auteur, les deux écritures selon la date d'édition. Toutefois, l'écriture au singulier semble l'emporter, non seulement dans des ouvrages de la deuxième moitié du XIXe comme le Ganot, le Privat Deschanel ou le Drion et Fernet mais aussi dans des ouvrages plus récents comme le Fleury et Mathieu de 1960.

Les éditions modernes du dictionnaire (de l'Académie française et autres) permettent les deux écritures mais conseillent la marque du pluriel tout en réfutant la dénomination "paire de jumelles".

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372 / 27 juin 2020